Suzanne Berjot nous emmène en balade dans les rues de Paris sur les traces d’Haussmann.
Le Paris du baron - Karambolage - ARTE (youtube.com)
Le Paris du baron - Karambolage - ARTE - Art & Sciences Humaines (education.fr)
Regardez ces bâtiments de Berlin, Londres et Paris. Avez-vous reconnu l'immeuble parisien?
Eh oui, il a un style bien particulier. D'abord, c'est un immeuble en pierre de taille, sa façade est souvent richement décorée: statuaire mythologique, bestiaire fantaisiste ou encore faune et flore exotiques. Et il compte six étages. Regardons-les. Le rez-de- chaussée, normalement destiné aux boutiques. Le 1er étage, ou plutôt entresol. Le 2e étage, appelé l'étage noble, avec un balcon filant, réservé aux foyers les plus riches. Les étages intermédiaires, 3e et 4e, sans balcon. Le 5e étage, flanqué lui aussi d'un balcon filant. Et le 6e étage, sous les combles, autrefois habité par les domestiques, avec ses chambres de bonne qui offrent une belle vue et où l'on étouffe en été.
Si vous êtes parisiens, vous savez bien sûr qu'il s'agit d'un immeuble haussmannien, comme plus de la moitié des immeubles de Paris. Haussmann? Eh oui. D'après le célèbre baron, Georges Eugène Haussmann, issu d'une famille de Cologne, établie depuis six générations en Alsace.
Il fut préfet de la Seine, l'ancien département de Paris, à partir de 1853. Il faut savoir qu'au milieu du 19e siècle Paris est une ville labyrinthique, à la fois pittoresque avec des hôtels particuliers mais surtout insalubre et dangereuse, faite de rues étroites, surpeuplée et où il est difficile de circuler. En somme, une capitale qui n'a pas beaucoup évolué depuis la Révolution française.
Napoléon III, qui a vécu à Londres, trouve que Paris a tout à envier à sa rivale d'outre-Manche, métamorphosée par la révolution industrielle, avec ses grandes avenues, ses parcs et ses gares. Décidément, il est temps de moderniser la capitale française. Son mot d'ordre: tout doit circuler: l'air, les gens, l'argent. Pour satisfaire ses ambitions, Napoléon doit trouver un homme de poigne, capable de réaliser des travaux de grande ampleur. Le baron Haussmann sera son homme, un homme d'ordre. Il n'aime rien moins que la ligne droite, l'hygiène, l'autorité. Sa mission: aérer, unifier, embellir la ville.
Ce duo très efficace transforme Paris en un temps record. En moins de 20 ans, on perce 70 voies nouvelles, on crée ou élargit 9 ponts, on construit 40 000 immeubles, on creuse 585 km d'égouts, on plante une vingtaine de squares, deux grands parcs, les Buttes-Chaumont et le parc Montsouris et 80 000 arbres d'alignement sans oublier le Bois de Vincennes et le Bois de Boulogne.
Question embellissement, tout doit s'aligner: les corniches, les balcons, les façades. Et on unifie le mobilier urbain: les kiosques, les célèbres colonnes Morris, les lampadaires, les bancs et même les grilles qui protègent la base des arbres. Pour permettre une meilleure circulation, Haussmann réalise de nouveaux axes. Les Champs-Élysées, les boulevards Saint-Germain, Saint-Michel, Magenta, l'avenue Foch ou encore la rue de Rivoli, le long desquels il fait courir les canalisations d'eau et un réseau d'égouts. Chaque percée ouvre sur un monument.
D'ailleurs, lors des inaugurations, on dissimule les perspectives derrière de grandes toiles que l'on soulève. La vue s'ouvre alors sur une église, un opéra, une staue équestre ou encore sur une des gares de chemin de fer, tout nouvellement créée, emblème de la modernité industrielle.
Eh oui, car Haussmann, homme de finances, pense aussi "circulation des capitaux". Et les gares servent de portes d'entrée aux marchandises qui viendront ravitailler les nouveaux grands magasins du Bon Marché ou du Printemps, véritables vitrines commerciales de Paris.
On l'aura compris, un grand élan moderniste et hygiéniste conduit le projet de l'urbaniste. Mais certains dénoncent des objectifs sécuritaires moins avouables. En effet, après les soulèvements de 1830 et 1848, Haussmann doit s'assurer contre l'éventualité d'une nouvelle guerre civile et rendre impossible la construction de barricades dans les rues de Paris. Pour cela, il élargit les rues et trace des lignes droites entre les quartiers ouvriers et les casernes de pompiers.
Pour réaliser ces grands travaux, Haussmann détruit, et pas qu'un peu. Le Paris des 16e et 17e siècles est quasiment rayé de la carte, au grand dam des défenseurs du patrimoine. Même la maison natale du baron disparaît. Il subsiste aujourd'hui très peu de ce Paris d'avant, à l'image du Marais ou du Faubourg Saint-Germain.
Pour gagner du temps, Haussmann profite d'une nouvelle loi qui permet l'expropriation pour utilité publique et hygiène, obligeant une partie de la classe ouvrière à quitter le centre-ville, devenu trop cher, pour la périphérie.
Tout cela, bien sûr, a un coût exorbitant. Haussmann n'hésite pas à endetter lourdement la ville à coups d'emprunts et d'opérations immobilières douteuses, ce qui lui vaudra de tomber en disgrâce en 1870, juste avant la chute du Second Empire.
De nos jours, tous ces aspects problématiques sont tombés dans l'oubli. Les travaux d'Haussmann suscitent majoritairement l'admiration et attirent les touristes du monde entier. D'autant plus qu'Haussmann a fait des émules en Europe, notamment un certain James Hobrecht. L'urbaniste prussien a aménagé et assaini Berlin à la fin du 19e siècle. Mais, contrairement à Paris, il ne subsiste pas grand-chose de ses travaux dans la capitale allemande détruite et reconstruite sans cesse au fil du siècle dernier.
A ce propos:
Comment le style haussmannien a métamorphosé Paris ? (verrecchiaexperience.fr)
Révolution Haussmann (youtube.com)
Visites guidée - « Paris Haussmann » (youtube.com)
Comment reconnaitre un immeuble Haussmannien (unjourdeplusaparis.com)
Vocabulaire
Définition de balcon filant | Dictionnaire français (lalanguefrancaise.com)